Aujourd'hui, cela fait cinq mois que je suis au Kurdistan d’Irak, à
Sulaymaniyah. Cinq mois intenses, de découvertes, d’apprentissage, de mise au
point par rapport à la vision floue que j’avais de cette région du monde. C’est
bien sûr très différent de tout ce que j’ai connu jusqu’à aujourd’hui.
Lorsque je suis arrivée, le Consul de France à Erbil venait de monter
un Club d’Affaires
Français et j’ai bien sûr tout de suite proposé de
m’en occuper, ce qu’il a accepté. Dans ce cadre-là, j’ai commencé, dès le mois
de février, à rencontrer les notables de Sulaymaniyah. Autour du traditionnel
verre de thé à la bergamote, toujours le même accueil chaleureux, fraternel, dont
les responsables kurdes ont le secret. Mais à chaque fois, à un moment donné de la
discussion, inéluctablement mon interlocuteur finissait par me demander
gravement de faire quelque chose pour l’école française Danielle Mitterrand,
dont la fermeture avait été annoncée pour fin juin 2013.
J’ai alors commencé à m’intéresser de près au sujet, car je voyais
bien que les kurdes étaient vraiment blessés à cause de la situation
catastrophique dans laquelle l’école avait sombré, lentement mais sûrement,
depuis son inauguration par Mme Mitterrand en 2009.
Les kurdes m’expliquaient donc inlassablement que l’école française,
donc la France, les abandonnait, en emportant avec elle le nom de leur
« mère », « Danyal Metran », comme j’ai pu le voir
orthographié sur certains panneaux dans plusieurs villes. L’ex-première dame de
France avait en effet beaucoup aidé les kurdes à l’époque de la guerre,
lorsqu’ils se faisaient gazer par les troupes de Saddam Hussein en 1988. C’est
elle qui a pris à témoin l’opinion publique internationale en rapportant
l’atroce situation dans laquelle se trouvait le peuple kurde. Ici, c’est leur
héroïne. Et voir une école qui porte son nom fermer est vécu comme un
traumatisme grave.
Je passerai sur les raisons qui ont conduit à la volonté de fermeture
de cette école. Ce que je peux dire, c’est qu’au Kurdistan, les choses ne
fonctionnent pas comme en France. Les Kurdes sont des gens simples et
fiers. Mettre en face d’eux des gens complexes ou condescendants ne peut que
les froisser. Et froisser un kurde, c’est mettre fin de manière définitive à
toute possibilité de relation. Comme dans beaucoup d’autres pays, ce que font
les français, c’est comme si c’était la France qui le faisait. Nous autres,
expatriés installés dans des pays en train de s’ouvrir vers l’extérieur, nous
sommes considérés comme des ambassadeurs de la France, mais nous ne le savons pas.
Le mal étant fait, et conscients que l’image de la France était sérieusement entachée par la pitoyable situation de l’école ainsi que par l’annonce de la fermeture prochaine, sans parler de la profonde tristesse des
31 enfants qui restaient, nous avons décidé, avec mes amis kurdes, de monter
une structure solide capable de gérer une nouvelle école Française Danielle
Mitterrand. Le 28 mai dernier, nous avons donc présenté officiellement l’association d’amitié Franco-Kurde DIALOG, en
présence, entre autres, de Madame Talabani, la première dame d’Irak, qui a
accepté la présidence d’Honneur de notre association, des autorités de la
région, du Consul de France et de représentants d’entreprises françaises
implantées au Kurdistan.
Madame Talabani avec qui j’ai eu l’occasion de converser d’une manière
informelle pendant que les gens finissaient d’arriver (les français, car les
kurdes sont absolument ponctuels) m’a dit, émue, ses yeux ancrés dans les miens : « promettez-moi que cette fois-ci tout ira bien pour l’école
française. Danielle Mitterrand était mon amie, et j’ai beaucoup souffert de voir
cette situation se dégrader de la sorte. ». Je lui en ai fait la promesse.
C’est l’engagement le plus profond et le plus sérieux que j’ai eu à
accepter dans ma vie, à part mon mariage... Et même si je n’ai pas signé de
papier, j’ai senti que mon « dit et approuvé » se gravait dans mon
cœur…
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La première dame d'Irak me dit alors: "promettez-moi que cette fois-ci tout ira bien pour l’école française". |
Flo, tu es incroyable!
RépondreSupprimerEric
Meuh non, c'est le Kurdistan qui est incroyable... ;-)
SupprimerC'est tout à ton honneur,Florence,de participer à la réhabilitation de cette école,et nous ne pouvons que te remercier pour ton implication dans cette démarche.
RépondreSupprimerPourrais-tu nous dire quelques mots sur les raisons qui ont conduit l'école dans cette situation?
dilshad
Merci Dilshad! Comme je l'ai déjà dit, des erreurs ont été commises. Et nous, grâce à ces erreurs, nous sommes en train de mettre en place un dispositif qui veillera à ce que l'école ne soit plus jamais en danger... Tu vas me dire "Ce n'est pas ma question." Et je te répondrai : "c'est ma réponse". Nous préférons nous tourner vers l'avenir ;-)
SupprimerOk, merci quand-même Florence.Tu préfères te tourner vers l'avenir plutôt que de chercher des responsabilités,tu as raison car ce qui est important c'est de "sauver" cette école.
SupprimerPersonnellement j'avais ma petite idée sur le sujet...Les difficultés étaient prévisibles car on ne recrute pas n'importe qui et n'importe comment pour faire fonctionner un établissement scolaire.Je n'en dirais pas plus.
dilshad
Quelle responsabilité Florence!
RépondreSupprimerBises admiratives - Olivier
Pourquoi cette école devait fermer? par manque de profs ou de financement par notre pays,? BONNE CHANCE FLO!
SupprimerMerci Olivier! Merci Joseph!
SupprimerJoseph, cette école ne ferme plus, c'est l'important!
Ma cher Flo,
RépondreSupprimerTu ne pourrai pas revenir en Madrid? Nous avons besoin toi ici!
Te hechamos de menos. España necesita gente como tú. No entiendo como te han dejado escapar.
Un abrazo,
Teresa
Mucahs gracias Teresa ! Pienso mucho en todos vosotros, y espero de todo corazón que la situación de España se mejore muy pronto...
SupprimerUn abrazo fuerte!
bravo, je suis fière de toi!!!
RépondreSupprimerCela ne fait que confirmer la bêtise de ceux qui t'ont laissé partir de Dialogo Madrid...
Vivine
Merci Vivi! Tu sais, c'est grâce à ceux qui m'ont laissée partir que je suis au Kurdistan aujourd'hui... Je les remercie plutôt! Je préfère travailler pour une bonne cause que pour des gens ... comment dire... douteux... ;-)
SupprimerBonjour, Je suis énormément surprise de lire votre découverte récente du Kurdistan après ma propre découverte il y a plus d'un an et demi! Je retrouve avec plaisir les kurdes qui sont heureux et fiers de vous présenter leur langue, leur ville, leurs montagnes et villages...
RépondreSupprimerAprès avoir enseigné et aimé cette petite école française pendant 1 an, nous nous sommes résolus à la quitter avec tristesse! Quelle gestion!!!
Notre installation avait été difficile mais nous avions tissé des amitiés avec les femmes kurdes de cette école et surtout, les enfants avides de culture française étaient notre ressort au quotidien. Alors je suis très heureuse que les kurdes se mobilisent pour garder cette école dans leur ville et adressez notre bonjour amical à Shno et M Rizgar. Françoise+Christian
Bonjour Françoise et Christian! Merci pour votre gentil mot. Personne ne vous a oublié ici! Et je dois vous transmettre les salutations chaleureuses de Shno et de Rizgar.
SupprimerNous espérons continuer à avoir de vos nouvelles!
Bien à vous,
Suite à mon précédent message, voici la page de notre blog construit au Kurdistan et maintenant occupé par les photos de mon lieu d'enseignement pour quelques mois.
RépondreSupprimerFaute de place sur notre blog, il n'y a plus que ces 2 derniers textes écrits il y a tout juste 1 an.
Alors si ça vous dit, bonne lecture.
http://www.elukurdations.com/decouvertes/
Françoise
Bravo pour vos textes sur Halabja et la Prison Rouge!
Supprimer;-)
Un grand respect à votre travail et à votre état d'esprit.
RépondreSupprimerZor spas! Merci beaucoup!
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