« Rogebache » (bonjour) tout le monde ! Aujourd’hui, j’ai pris mon premier cours de Kurde. Je
sais que « oui » se dit « balé » (vale en espagnol) et que
« court » se dit « courte ». Ma prof s’est absentée 10
minutes pendant la classe pour aller faire ses prières, et mon amie Rundik, qui
nous prête gracieusement sa maison pour les cours, en a profité pour me faire
manger un délicieux gratin dauphinois qu’elle avait préparé.
Je sens que l’apprentissage va être long. Très long.
Mais je suis très motivée. J’ai vraiment envie de pouvoir me débrouiller
rapidement, pour mieux connaitre cette région du monde qu’est le Kurdistan.
Car même si, sur le papier, je suis en Irak, je
comprends en vivant ici que je suis avant tout au Kurdistan. Il paraît
d’ailleurs que le Kurdistan est à l’Irak ce que la Catalogne est à l’Espagne.
Effectivement, beaucoup de choses me rappellent la
situation de la Catalogne : le Kurdistan est une région autonome ;
les écoles enseignent en kurde et en anglais (pas en arabe) ; les gens
sont très nationalistes et le drapeau kurde flotte à chaque coin de rue, pour
bien signifier qu’il s’agit de leur territoire.
Mon ange gardien, Fread, m’a dit fièrement que lors
d’un match de foot à Barcelone il y a quelques mois, on avait pu lire une grande
banderole qui disait : « Le Kurdistan n’est pas l’Irak et
la Catalogne n’est pas l’Espagne». Je suppose que c’est pour cette raison qu’il
y a beaucoup de supporters du Barça ici…
L’autonomie du Kurdistan va même très loin, puisque
les européens n’ont pas besoin de visa préalable pour y rentrer (il est donné
automatiquement à l’arrivée), alors qu’il est nécessaire pour aller en Irak.
D’ailleurs, nous-autres les résidents du Kurdistan, nous n’avons pas le droit
d’aller ailleurs en Irak sans demander un visa, assez laborieux à obtenir.
Les kurdes ont un physique très différents du reste
des irakiens. Ils me font un peu penser aux corses : fiers, trapus,
costauds, le regard vif, mais avec de superbes moustaches. Ils ont la peau plus
claire, et j’en ai vu avec des yeux bleus ou encore verts. Ils n’ont pas l’air
commode, et forcent à penser très sérieusement qu’il vaut mieux être leur ami
que leur ennemi.
Lorsque l’on se déplace à l’intérieur du Kurdistan, il
faut s’arrêter tout les 20 km à des
« check points » tenus par l’armée kurde et ses redoutables
« peshmerga » (ne leur dites pas, mais je me souviens du nom grâce
aux « pêches melba »…). De robustes gaillards en uniforme nous scrutent
alors de leurs yeux perçants, l’air très dur et la moustache fâchée. Ils nous dévisagent,
demandent au chauffeur où nous allons, nous dévisagent encore, puis, immanquablement,
ils nous font signe de passer. J’ai demandé à Fread pourquoi ils ne nous exigeaient
jamais de voir nos passeports. Il m’a répondu, le plus naturellement du
monde : « Pas la peine, ils n’arrêtent que les arabes. Et toi, tu
n’as pas la tête d’une arabe ». Le délit de sale gueule n’est donc pas un méfait
mais bien une pratique, au Kurdistan. Ceci dit, alors que dans le reste de
l’Irak il ne se passe pas un jour sans attentat meurtrier, ici, il n’y a pas eu
de bombe depuis 2007.
D’ailleurs, mon amie Rundik en a fait les frais samedi
dernier, alors qu’elle rentrait d’Irak en passant à côté de Kirkouk, une ville
près de la « frontière » kurde. Une voiture piégée a fait exploser un
camion citerne à côté d’elle au milieu de l’autoroute. Elle a eu la présence
d’esprit, malgré la panique, de prendre quelques clichés. En voici un (merci
Rundik et bravo pour ton blog) :
Pourtant, nos amis
kurdes gardent le sens de l’humour. Derrière leur moustache, on sent que se
cache un cœur vaillant. Je les vois, dans la rue, se taper sur l’épaule,
éclater de rire, sans doute se raconter
de bonnes blagues. Je suppose que, comme tous les peuples meurtris, ils
utilisent l’humour pour conjurer le mauvais sort. Car chaque kurde à qui je
parle a une histoire lourde à partager : l’un me raconte comment il a
vécu, à 8 ans, l’exode kurde de 1991 à travers les montagnes pour rejoindre
l’Iran, pourchassé par l’armée de Saddam Hussein ; un autre me montre la
prison irakienne de Sulaymayniyah en me
disant que son oncle et deux de ses cousins y ont été exécutés ; une autre
me raconte la fuite de sa famille et son exil en Europe pendant plus de 15 ans…
Tous ont un vécu terrifiant.
Et quand j’ai
découvert dans les locaux de la police de l'immigration, l’autre jour, un
modèle du formulaire que les étrangers doivent remplir accroché au mur, je n’en
ai pas cru mes yeux :
Mickey vit donc au Kurdistan !
J’ai imaginé les fonctionnaires de la police
en train de remplir cet exemple de formulaire, décidant tout à coup :
« et si on mettait Mickey Mouse ? ». Oui, ils ont le sens de
l’humour.
J’ai vraiment envie de les découvrir…
« Juahafiz » (au revoir) tout le
monde !
Coucou ma belle, je souhaite juste rectifié le jour de l'explosion c'était mercredi dernier que cela s'est passé à 17 heures environ.
RépondreSupprimermerci pour la publicité de mon blog.
tu seras toujours bienvenue chez moi comme le dit si bien Florent Pagny ;-).
bisous
Désolée pour cette erreur, Rundik! Mais c'est vrai que je me perds avec les jours de la semaine... Et aussi avec les horaires, comme tu as pu le constater! ;-)
SupprimerA très vite!
Mickey au Kurdistan! J'arrive pas à le croire. Aucun détail ne t'échappe ;)
RépondreSupprimerContinue à nous raconter, j'ai hâte de savoir la suite.
Jean-Michel
Merci Jean-Michel. Bientôt un autre post!
SupprimerLa catalogne est à l'Espagne ce que le Kurdistan est à l'Irak. Oui, je vois ce que tu veux dire. Mais les catalans ont ils été gazés?
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ton blog. Il est amusant, instructif et émouvant.
Jean-Claude
Merci Jean-Claude. Le nationalisme prend racine dans beaucoup de terres différentes. Argile, sable, calcaire... Va savoir pourquoi, quand et comment les gens le vivent. Je ne sais pas qui a écrit la banderole au match de foot, un catalan ou un kurde? En tout cas, ils ont l'air de s'y retrouver.
SupprimerA bientôt!