Mon Kurdistan...

(version kurde : voir vidéo)

Le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas, disait Blaise Pascal. Moi, mon cœur m’a soufflé pourquoi il aimait tant vivre au Kurdistan d’Irak… Il m’a dit :

 «J’aime quand le soleil joue à cache-cache avec  les montagnes…

J’aime que le soleil ne fasse pas de différence entre une mosquée 

et une église lorsqu’il embrase le ciel…

J’aime qu’un arbre courageux ait pu décider de pousser seul au sommet

 d’une montagne pour admirer le vaste monde s’étendre à ses pieds...

J’aime les paysages qui donnent l’impression d’assister au commencement du monde ...

J’aime les champs de blé qui frémissent au gré du vent ...

J’aime avoir envie de m’envoler comme un oiseau pour raser la terre brûlée par un été trop long ...

J’aime l’herbe trop verte qui pousse dès qu’un peu d’eau la frôle  ...

J’aime le bleu de la fleur du chardon qui se moque de la sécheresse...

J’aime que les moutons broutent paisiblement sur le flanc des montagnes ...

J’aime quand le ciel semble avoir quelque chose à dire d’important...

J’aime voir un ancien peshmerga continuer de prendre soin de sa terre 

en élaguant les arbres en pleine nature pour qu’ils grandissent ...

 

 J’aime aller faire des pique-niques de nuit avec les amis pour goûter à la fraîcheur du soir ...

J’aime voir que des enfants français poussent dans les arbres kurdes ...

 J’aime qu’on se retrouve tous chez mon ami Rizgar avant de partir pour les montagnes...

J’aime le matériel varié que nous emmenons pour le pique-nique...

 J’aime quand c’est l’heure de l’apéro...

… Et des brochettes  ...

 J’aime voir les pipas griller avant de les manger ...

J’aime boire du thé kurde à la bergamote...

J’aime le petit-déjeuner...

J’aime voir les français s’envoyer en l’air au dessus de Sulaymaniyah...

J’aime que les kurdes fêtent le nouvel an ensemble...

J’aime leurs gigantesques feux de joie ...

 J’aime voir des rochers peints en plein milieu de nulle part, et j’aime apprendre

que les artistes ont voulu, par leur geste, arrêter une guerre entre frères ...

J’aime que des hommes soient tombés sur la tête et que ça se sache...

J’aime que des ânes portent la cravate et que ça se sache aussi...

J’aime que les chars ne puissent plus cracher que de la soie...

J’aime que les kurdes aient le courage de revenir sur 

les lieux de leur torture pour témoigner de ce qu’ils ont vécu...

J’aime qu’en une phrase soit expliqué le lien mystique qui unit les kurdes et leurs montagnes...

J’aime que les kurdes, malgré toutes les horreurs qu’ils ont connues il n’y a pas si longtemps, voient plus loin que leur souffrance et la transforme en énergie positive pour reconstruire et aller de l’avant...

J’aime que des casques de guerre servent à planter des fleurs...

J’aime que des grenades servent à allumer des cigarettes ...

J’aime que le hasard puisse soigner ...

J’aime que des sacs de billets de banque traînent par terre 

dans la rue sans surveillance et qu’il ne se passe rien ...

J’aime que les taxis mettent un cœur au centre de leur voiture...

J’aime entendre des amis essayer des instruments de musique dans la rue...

J’aime le culot des étudiants de l’école des Beaux-arts de Sulaymaniyah...

J’aime qu’une école française soit née dans ma ville ...

J’aime que de grands musiciens viennent y jouer pour les enfants...

J’aime que des gendarmes viennent y parler de leur métier ...

J’aime que les enfants de Sulaymaniyah aiment leur école française »...

Lorsque mon cœur eut fini de dire tout ce qu’il avait à dire, ma raison lui répondit : « maintenant que je connais tes raisons, je vais veiller à ce que rien ne puisse t’empêcher de continuer à aimer ton Kurdistan ».

Et depuis, je veille…