lundi 10 juin 2013

Danielle Mitterrand, la mère des Kurdes

Aujourd'hui, cela fait cinq mois que je suis au Kurdistan d’Irak, à Sulaymaniyah. Cinq mois intenses, de découvertes, d’apprentissage, de mise au point par rapport à la vision floue que j’avais de cette région du monde. C’est bien sûr très différent de tout ce que j’ai connu jusqu’à aujourd’hui.


Lorsque je suis arrivée, le Consul de France à Erbil venait de monter un Club d’Affaires Français et j’ai bien sûr tout de suite proposé de m’en occuper, ce qu’il a accepté. Dans ce cadre-là, j’ai commencé, dès le mois de février, à rencontrer les notables de Sulaymaniyah. Autour du traditionnel verre de thé à la bergamote, toujours le même accueil chaleureux, fraternel, dont les responsables kurdes ont le secret. Mais à chaque fois, à un moment donné de la discussion, inéluctablement mon interlocuteur finissait par me demander gravement de faire quelque chose pour l’école française Danielle Mitterrand, dont la fermeture avait été annoncée pour fin juin 2013. 

J’ai alors commencé à m’intéresser de près au sujet, car je voyais bien que les kurdes étaient vraiment blessés à cause de la situation catastrophique dans laquelle l’école avait sombré, lentement mais sûrement, depuis son inauguration par Mme Mitterrand en 2009.

Les kurdes m’expliquaient donc inlassablement que l’école française, donc la France, les abandonnait, en emportant avec elle le nom de leur « mère », « Danyal Metran », comme j’ai pu le voir orthographié sur certains panneaux dans plusieurs villes. L’ex-première dame de France avait en effet beaucoup aidé les kurdes à l’époque de la guerre, lorsqu’ils se faisaient gazer par les troupes de Saddam Hussein en 1988. C’est elle qui a pris à témoin l’opinion publique internationale en rapportant l’atroce situation dans laquelle se trouvait le peuple kurde. Ici, c’est leur héroïne. Et voir une école qui porte son nom fermer est vécu comme un traumatisme grave.


Je passerai sur les raisons qui ont conduit à la volonté de fermeture de cette école. Ce que je peux dire, c’est qu’au Kurdistan, les choses ne fonctionnent pas comme en France.  Les Kurdes sont des gens simples et fiers. Mettre en face d’eux des gens complexes ou condescendants ne peut que les froisser. Et froisser un kurde, c’est mettre fin de manière définitive à toute possibilité de relation. Comme dans beaucoup d’autres pays, ce que font les français, c’est comme si c’était la France qui le faisait. Nous autres, expatriés installés dans des pays en train de s’ouvrir vers l’extérieur, nous sommes considérés comme des ambassadeurs de la France, mais nous ne le savons pas.

Le mal étant fait, et conscients que l’image de la France était sérieusement entachée par la pitoyable situation de l’école ainsi que par l’annonce de la fermeture prochaine, sans parler de la profonde tristesse des 31 enfants qui restaient, nous avons décidé, avec mes amis kurdes, de monter une structure solide capable de gérer une nouvelle école Française Danielle Mitterrand. Le 28 mai dernier, nous avons donc présenté officiellement l’association d’amitié Franco-Kurde DIALOG, en présence, entre autres, de Madame Talabani, la première dame d’Irak, qui a accepté la présidence d’Honneur de notre association, des autorités de la région, du Consul de France et de représentants d’entreprises françaises implantées au Kurdistan.


Madame Talabani avec qui j’ai eu l’occasion de converser d’une manière informelle pendant que les gens finissaient d’arriver (les français, car les kurdes sont absolument ponctuels) m’a dit, émue, ses yeux ancrés dans les miens : « promettez-moi que cette fois-ci tout ira bien pour l’école française. Danielle Mitterrand était mon amie, et j’ai beaucoup souffert de voir cette situation se dégrader de la sorte. ». Je lui en ai fait la promesse.  C’est l’engagement le plus profond et le plus sérieux que j’ai eu à accepter dans ma vie, à part mon mariage... Et même si je n’ai pas signé de papier, j’ai senti que mon « dit et approuvé » se gravait dans mon cœur… 


La première dame d'Irak me dit alors: "promettez-moi que cette fois-ci
tout ira bien pour l’école française".




18 commentaires:

  1. Flo, tu es incroyable!
    Eric

    RépondreSupprimer
  2. C'est tout à ton honneur,Florence,de participer à la réhabilitation de cette école,et nous ne pouvons que te remercier pour ton implication dans cette démarche.

    Pourrais-tu nous dire quelques mots sur les raisons qui ont conduit l'école dans cette situation?

    dilshad

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Dilshad! Comme je l'ai déjà dit, des erreurs ont été commises. Et nous, grâce à ces erreurs, nous sommes en train de mettre en place un dispositif qui veillera à ce que l'école ne soit plus jamais en danger... Tu vas me dire "Ce n'est pas ma question." Et je te répondrai : "c'est ma réponse". Nous préférons nous tourner vers l'avenir ;-)

      Supprimer
    2. Ok, merci quand-même Florence.Tu préfères te tourner vers l'avenir plutôt que de chercher des responsabilités,tu as raison car ce qui est important c'est de "sauver" cette école.
      Personnellement j'avais ma petite idée sur le sujet...Les difficultés étaient prévisibles car on ne recrute pas n'importe qui et n'importe comment pour faire fonctionner un établissement scolaire.Je n'en dirais pas plus.

      dilshad

      Supprimer
  3. Quelle responsabilité Florence!
    Bises admiratives - Olivier

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pourquoi cette école devait fermer? par manque de profs ou de financement par notre pays,? BONNE CHANCE FLO!

      Supprimer
    2. Merci Olivier! Merci Joseph!
      Joseph, cette école ne ferme plus, c'est l'important!

      Supprimer
  4. Ma cher Flo,
    Tu ne pourrai pas revenir en Madrid? Nous avons besoin toi ici!
    Te hechamos de menos. España necesita gente como tú. No entiendo como te han dejado escapar.
    Un abrazo,
    Teresa

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mucahs gracias Teresa ! Pienso mucho en todos vosotros, y espero de todo corazón que la situación de España se mejore muy pronto...

      Un abrazo fuerte!

      Supprimer
  5. bravo, je suis fière de toi!!!
    Cela ne fait que confirmer la bêtise de ceux qui t'ont laissé partir de Dialogo Madrid...
    Vivine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Vivi! Tu sais, c'est grâce à ceux qui m'ont laissée partir que je suis au Kurdistan aujourd'hui... Je les remercie plutôt! Je préfère travailler pour une bonne cause que pour des gens ... comment dire... douteux... ;-)

      Supprimer
  6. Bonjour, Je suis énormément surprise de lire votre découverte récente du Kurdistan après ma propre découverte il y a plus d'un an et demi! Je retrouve avec plaisir les kurdes qui sont heureux et fiers de vous présenter leur langue, leur ville, leurs montagnes et villages...
    Après avoir enseigné et aimé cette petite école française pendant 1 an, nous nous sommes résolus à la quitter avec tristesse! Quelle gestion!!!
    Notre installation avait été difficile mais nous avions tissé des amitiés avec les femmes kurdes de cette école et surtout, les enfants avides de culture française étaient notre ressort au quotidien. Alors je suis très heureuse que les kurdes se mobilisent pour garder cette école dans leur ville et adressez notre bonjour amical à Shno et M Rizgar. Françoise+Christian

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Françoise et Christian! Merci pour votre gentil mot. Personne ne vous a oublié ici! Et je dois vous transmettre les salutations chaleureuses de Shno et de Rizgar.
      Nous espérons continuer à avoir de vos nouvelles!
      Bien à vous,

      Supprimer
  7. Suite à mon précédent message, voici la page de notre blog construit au Kurdistan et maintenant occupé par les photos de mon lieu d'enseignement pour quelques mois.
    Faute de place sur notre blog, il n'y a plus que ces 2 derniers textes écrits il y a tout juste 1 an.
    Alors si ça vous dit, bonne lecture.
    http://www.elukurdations.com/decouvertes/
    Françoise

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bravo pour vos textes sur Halabja et la Prison Rouge!
      ;-)

      Supprimer
  8. Un grand respect à votre travail et à votre état d'esprit.

    RépondreSupprimer