vendredi 11 janvier 2013

Irak, premier jour...


Me voici à Sulaymaniyah, au cœur du Kurdistan Irakien. Nous sommes arrivés cette nuit. Il neigeait.

Je quitte l'Espagne après vingt-sept ans de vie commune. Une vie bien remplie dans une ville, Madrid, que j'ai profondément aimée. J'avais dix-sept ans quand je suis arrivée à Madrid pour la première fois, et je m'y suis établie définitivement en 1987. J'ai donc passé plus d'années en Espagne que dans ma France natale. 

Sur mes vingt-sept ans de vie madrilène, j'en ai passé vingt-trois à travailler pour l'amélioration des relations franco-espagnoles. J'ai eu beaucoup de chance, car mon amour pour la France et pour l'Espagne a été un moteur puissant et me mettre au service de leur entente et de leur rapprochement a été pour moi une évidence. Et lorsque l’évidence est si forte, lorsque l'on trouve sa véritable vocation, alors le reste n’est pas très compliqué : il n’y a pas de peur, pas de doute, on est libre et l’énergie peut être utilisée à travailler sans limite, et avec plaisir. J'avais trouvé ma place.

Malheureusement, à cause d’escrocs qui ont pris le pouvoir dans l’association dans laquelle je travaillais, j’ai été virée comme une malpropre en juin dernier, après deux ans de harcèlement moral.

J'ai élevé mes trois enfants sous le ciel bleu de Madrid, et ma petite dernière vient de sortir du nid pour aller étudier à Paris. Les deux grands sont également partis d’Espagne. Madrid sans eux n’a plus la même saveur, même si je me réjouis qu’ils aient commencé leur vie d’adulte avec l’envie de croquer le monde.

En septembre 2012, me voilà donc sans job et sans enfants. Mon mari me dit que, vue la situation, il serait peut être temps que je commence à envisager de quitter l’Espagne et qu’il pourrait demander une mutation ailleurs. J’avais alors un projet de monter une boite avec mon meilleur ami, mais lorsque je lui en ai parlé, il m’a encouragé à couper le cordon avec Madrid, en me disant que c’était maintenant ou jamais.
Mi septembre, mon mari m’envoie un message : « M’aimes-tu assez pour me suivre au Kurdistan ? ». Ce à quoi je lui ai répondu immédiatement et sans réfléchir : « Oui ».

Un peu plus de trois mois après, me voilà dans l’hôtel Lalezar de Sulaymaniyah  regardant tomber la neige, et me demandant ce que je vais devenir.

Plus de job, plus d’enfants sous mon toit, plus de Madrid, plus d’amis, plus de repère, plus de langue française ni espagnole, plus de cinéma, plus de tapas. Plus rien de connu.
Un Muezin qui me réveille à 5h du matin avec son chant mélodieux, du Humus au petit déjeuner et les collègues de mon mari qui vivent en célibataire, travaillant 10 jours sur place et rentrant 4 jours voir leur famille restée à l’étranger, « soupas » au lieu de « merci », voilà quelques éléments qui feront désormais partie de mon quotidien.

Ce blog est destiné à ceux qui veulent m’accompagner dans ma découverte de l’Irak. Comment une femme française, ne parlant ni le kurde, ni l’arabe, baragouinant quelques mots en anglais, ayant toujours travaillé, ne connaissant personne et ayant une image de l’Irak telle que nous la vendent nos medias depuis des décennies, va pouvoir s’adapter un tel environnement ?
Il ne s’agit pas d’une expatriation, mais bien d’une vraie aventure. Je vous propose donc de suivre mes tribulations à travers mes nouvelles expériences.  

Pour commencer en beauté, ce midi, le chef de mon mari nous a demandé de ne pas sortir de l’hôtel pendant quelques jours, car il y a eu une fusillade cette nuit, qui s’est soldée par deux morts. Et même s’il s’agit d’un règlement de comptes entre deux familles opposées, il préfère nous savoir à l’abri. J’ai entendu les coups de feu. Mais je n’ai même pas imaginé qu’il s’agissait d’échange de balles. J’ai cru qu’il s’agissait d’un volet qui claquait à cause du vent. Or, il n’y avait pas de vent, et les fenêtres n’ont pas de volets dans ce pays. Il va falloir que je revoie mes perceptions de la réalité, je crois.
Si, à Marseille ou à Paris, il ne fallait pas pointer son nez dehors dès que quelqu’un se fait tuer, je ne sais pas si les gens sortiraient souvent. Mais c’est vrai, je suis en Irak…

A bientôt pour de nouvelles aventures !


Je dédie ce blog à Fred, mon meilleur ami et mon compagnon de tranchée, qui a partagé mon quotidien ces 20 dernières années et qui m’a aidé à faire le pas et à quitter Madrid. 

25 commentaires:

  1. Couvrez vous bien.
    une bise de Madrid où il ne fait pas chaud.
    Jérôme

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Jérôme! Bise à toi et aux copains de Madrid que tu ne manqueras pas de rencontrer...;-)

      Supprimer
  2. je vous souhaite, à vous et joel, beaucoup de réussite et de courage dans votre nouvelle vie ! que dieu vous protège ! bises de lorraine, plus précisément de Folkling !

    RépondreSupprimer
  3. Touchant ce témoignage.
    On ne se connait pas beaucoup mais ton expérience me fascine et j'aimerais pouvoir t'accompagner en pensée dans cette aventure.

    Quant à ton expérience de femme et de mère qui se retrouve à un tournant de sa vie, je te comprends tellement!!!Nous sommes au moins ...2 !
    Je t'embrasse et belle vie à toi
    Lisa de ...Marie-Galante

    RépondreSupprimer
  4. Merci Lisa! Avec Jo, on t'attend en Irak! Bises
    Flo

    RépondreSupprimer
  5. Querida Florence
    No hemos coincidido casi en Madrid y te descubro en este blog: te felicito por iniciarlo, y a los dos por ir en vadrouille tan lejos deseando que os vaya todo muy bien.
    Prometo leerte. Empiezas muy bien. Lo único que no me gusta es el título... je préfère Flo en Irak).
    Bonne chance
    Xavier

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mil gracias por el ánimo, Xavier! Lo de "femme" y no "flo", es que mi condición de mujer representa una parte importante de la aventura, creo. Ya lo sabremos dentro de unos meses!
      Bonne continuation!

      Supprimer
  6. Chère Florence,

    Un témoignage émouvant et merveilleusement écrit, on sent à travers tes mots la force de l'Amour, du manque, de la vraie tolérance et certainement de ton côté « petite fille » qui se s’étonne de la trivialité d'une vie tumultueuse tellement aux antipodes de celle que tu as pu cheminer jusqu'à ce premier dimanche.

    Je suivrais avec plaisir et avidité tes aventures irakiennes, certaine que ta nouvelle vie sera telle que tu l’aies toi-même, époustouflante, rare, et riche en découvertes de ton nouveau "chez toi" et de l'autre Florence qui naitra en orient...

    Avec mon admiration pour la femme courageuse et conquérante que tu incarnes !

    Amitiés,

    Delphine de SG Madrid

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mille mercis pour ton magnifique message, Delphine! Je regrette de ne pas avoir pu te dire au revoir de vive voix... Mais je reviendrai à Madrid un de ces jours!
      Ta phrase "l'autre Florence qui naîtra en orient..." me fait bizarre... Mon fils s'appelle Orient! Peut-être que j'étais prédestinée à me rapprocher de l'Orient, après tout!
      Un muy fuerte abrazo,

      Supprimer
  7. Bonjour Florence,

    Je découvre ton blog ce soir, depuis Madrid, aprés ton message collectif Linkedin.
    Nous nous sommes rencontrées rapidement il y a 3 ans et j'ai gardé un souvenir admiratif de toi. Je démarrais moi aussi à l'époque mon aventure madrilène tant perso que pro et tes conseils m'avaient bien aidée.
    Tu ouvres une nouvelle page de ta vie et démarres donc une nouvelle aventure et pas des moindres ... Sacré courage!
    Ton écriture est touchante et lumineuse. Je suivrai ton blog avec plaisir.
    Bonne chance à tous les deux !
    Isabelle

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ton gentil message, Isabelle! J'espère que tout va bien pour toi à Madrid et je suis contente d'avoir pu t'être utile à un moment donné...
      A bientôt!

      Supprimer
  8. Catherine GRÉJON15 janvier 2013 à 23:33

    Bonsoir Florence,
    Nous nous connaissons peu, très peu, simplement par le biais de l'asso pour laquelle tu as travaillé si longtemps, mais qu'importe, tu m'as incluse dans tes contacts c'est très gentil et j'en suis touchée, et ce sera avec plaisir que je suivrai ton blog qui d'ores et déjà m'émerveille car je sens que tu as vraiment besoin d'écrire "tu vivencia", et en plus tu le fais très bien. Note que je suis un peu de l'avis de Xavier par rapport au titre du blog mais bon, c'est toi l'auteur, pas vrai? Avant toute chose, faites bien attention à vous deux car là-bas le "fogueo" n'existe pas. Amitiés,

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup Catherine! Et tu as raison, le "fogueo" n'existe pas. C'est ce qui fait de l’expérience une véritable aventure... J'ai bientôt un demi-siècle, je suis prête à vivre "pour de vrai"!;-))

      Supprimer
  9. La vache... et donc tu es vraiment partie ?!?! nom de nom de nom de nom... ce jour où l'on s'est vus il y a quelques semaines au Petit Prince j'ai pas bien réalisé... mais là j'avoue ça fait bizarre! L'Irak!
    Bon he bien je serai un fidèle du blog.
    Plein de courage et de bonnes choses (le humus au pti dej c'est rock'n'roll quand même :-)
    Frédéric

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais non Frédéric! Le humus au petit dej, c'est délicieux... D'ailleurs j'en prends également au dej et au dîner! J'adore!

      Dommage qu'on se soit retrouvé juste avant que je parte... Bonne continuation à Madrid et un fuerte abrazo!

      Supprimer
  10. Dis-toi que tu n'es plus seule maintenant, tu seras entre de bonnes mains = les miennes.
    bienvenue à toi ma belle et on va passer de supers moments.
    bisous
    rundik

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Soupas Rundik! Ça me fait chaud au coeur de te savoir dans les parages!
      A tout bientôt!

      Supprimer
  11. Super Florence! C´est magnifique de commencer una aventure à notre âge. Bonne chance. Et tiens nous au courant par ce blog. Laurence

    RépondreSupprimer
  12. Merci laurence! Dieu soit loué, nous ne sommes pas encore grabataires...

    RépondreSupprimer
  13. ¡Impresionante, Flo!
    Mucha suerte, te mando un beso enoooorme.
    Noa

    RépondreSupprimer
  14. Mil gracias Noa! Me acuerdo mucho de tí... Espero que estes bien...
    Un muy fuerte abrazo!

    RépondreSupprimer
  15. Bonjour,
    Voilà je suis française, j'ai 2 enfants français, et mon concubin est un kurde.
    Nous envisageons d'aller vivre au kurdistan.
    Mais voilà beaucoup de questions.....
    Je connais toute sa famille, que j'adore et eux également!
    J'adore leur culture, la cuisine, les musiques, leur paysages.
    Mon concubin est parti voir sa famille quelques semaines en juillet, je ne pouvais pas venir car je travaillais encore, et par fautes de moyens, l'avion étant cher pour moi et mes 2 enfants!
    Je suis en contact avec lui et sa famille tout les jours, et franchement je les envies!
    J'aimerais vraiment correspondre avec vous, que vous me renseigner sur un peu tout!
    Je souhaiterais habiter à Sulaymaniak ou dans les environs, je voudrais que vous me renseigner sur l'école française de slémanie, car à Erbil c'est un peu loin je pense.
    Ma fille entre en 6éme et mon garçon au cp.
    Je souhaiterais aussi trouver un petit travail au kurdsitan.
    J espere que je ne vous dérange pas.
    Je vous ai ajouter sur Facebook également.
    J'adore votre blog!!!
    Je vous remercie.
    Aurelie

    RépondreSupprimer